Peut-on prévoir les séismes ?

Un tremblement de terre peut causer de nombreuses pertes humaines. Prédire précisément le lieu et la date d'un prochain gros séisme constitue donc un enjeu de recherche crucial dans la course à la mise au point de dispositifs d'alerte fiables.

Pendant longtemps, les études sismologiques et géophysiques se sont focalisées sur l'identification de signes "précurseurs" qui consistait à détecter, à proximité de la source sismique, les phénomènes anormaux précédant le séisme : essaims de micro-séismes, déformations du sol, perturbation des aquifères, des champs électromagnétiques ou encore du comportement des animaux... Mais les démonstrations qui présentaient après-coup ces « précurseurs » n'ont jamais permis ni de concevoir des modèles fiables, reproductibles et généralisables, ni de comprendre les mécanismes à l'origine de ces phénomènes. Beaucoup de scientifiques associent donc ces précurseurs à de simples coïncidences.

A défaut de prédictions, de nombreuses avancées ont été réalisées dans le domaine de la prévision et les recherches s'articulent aujourd'hui autour de trois axes principaux :
  • Le premier consiste à prévoir, région par région, l'ampleur des mouvements du sol qui pourraient être générés par une faille, dans l'hypothèse où elle céderait. La surveillance des grandes failles par des sismomètres permet de décrire, d'un point de vue statistique, son processus de rupture c'est-à-dire l'amplitude et la fréquence des vibrations qu'elle pourrait générer en cédant. Pour la région exposée, les différentes données scientifiques récoltées sont alors intégrées dans une chaîne de calcul du risque sismique, qui associe en amont, la probabilité de rupture d'une faille, et en aval, les conséquences relatives aux biens et aux personnes.
  • Le deuxième consiste à identifier les failles dont le seuil de rupture est proche. Ce type de seuil est évalué à partir d'une étude historique des séismes (recherche dans les archives de tous les séismes d'une région, recherche des paléoséismes dans les couches géologiques), qui, associée à des mesures géodésiques, permettent d'estimer la vitesse de chargement d'une faille c'est-à dire la période espaçant deux ruptures (deux séismes) sur le même segment de faille. Ainsi, à quelques décennies près, plusieurs grands séismes destructeurs, les « big one », sont prédits en Californie, au Japon, au Chili, en Turquie ou encore en Grèce...
  • Les modèles actuels permettent de prévoir où ? à quelle magnitude ? Mais actuellement personne n'est en mesure de répondre à la réponse cruciale à quel moment ? Toutefois, de récentes découvertes autour d'anomalies associées aux déformations de la croûte terrestre et à l'activité des failles donnent des résultats encourageants. Elles ont mis en évidence l'existence de grondements de très faible amplitude appelés "trémors tectoniques", liés au crissement de la partie profonde des failles en glissement transitoire lent et cherchent à décrypter les enregistrements pour en déduire des probabilités de déclenchement de la rupture sismique.

Qu'est-ce qui provoque les séismes ?

La surface de la Terre comporte une douzaine de plaques tectoniques (appelées aussi plaques lithosphériques) qui se déplacent les unes par rapport aux autres à des vitesses de l’ordre de quelques centimètres par an. Séismes et volcans sont localisés aux frontières des plaques.

Les plaques tectoniques ne flottent pas sur un matériau visqueux (type magma) et encore moins sur un matériau fluide car les roches qui constituent l'intérieur de la Terre sont complètement rigides (la forte pression les empêche de fondre). Seul le noyau externe situé entre 2900 km s'avère liquide, or, il ne se trouve en aucun cas en contact avec les plaques.

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Le mystère du moteur qui entraîne le ballet des plaques trouve son explication dans les entrailles de la Terre. Le globe terrestre est constitué de plusieurs enveloppes successives à l'image d'un fruit à gros noyau comme l'avocat ou la pêche.
  • la lithosphère, d'une épaisseur de 100 km en moyenne, forme l'enveloppe la plus superficielle. Elle est constituée de roches froides, très rigides et cassantes.
  • la lithospère repose sur l'asthénosphère (600 km d'épaisseur), constituée elle, de roches plus chaudes, un peu moins rigides et capables de supporter des déformations sans casser (on parle de matériau ductile).
  • par analogie, la lithosphère et l'asthénosphère pourraient être comparées à de la pâte à modeler dont la plasticité varie en fonction de la température : la pâte à modeler froide est cassante tandis que celle à température ambiante est déformable.

La chaleur générée par les éléments radioactifs contenus dans la Terre (jusqu'à 5000°C) se dissipe au travers de l'asthénosphère en créant des mouvements circulaires très lents de matière (les mouvements de convection). Le matériel asthénosphérique s'amollit sous l'effet de la chaleur, devient plus léger et remonte. Arrivée en surface, la matière refroidit lentement, se densifie et longtemps après replonge. Les mouvements circulaires de roches ainsi générés dans l'asthénosphère sont à l’origine du déplacement des plaques lithosphériques en surface.


Voir la vidéo sur le principe de la convection.

Retour historique. La dérive des continents.

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Les premiers jalons de la tectonique des plaques ont été posés en 1915 par l'astronome et météorologue allemand Alfred Wegener qui publia un ouvrage dans lequel il exposait sa théorie novatrice de « la dérive des continents ». Il y expliquait que toutes les masses émergées étaient rassemblées en un seul continent il y a 200 millions d'années (il dénomma ce super continent la Pangée) et avait ensuite dérivé progressivement jusqu'à occuper leurs positions actuelles. Pour élaborer sa théorie, il s'appuyait sur plusieurs arguments pertinents : la bordure de certains continents s'emboîte parfaitement des fossiles d'espèces identiques (fougère glossopteris, reptile mesosaurus..) occupent chacun des aires géographiques qui pourraient être parfaitement continues si l'on emboîtaient les continents. Cette théorie révolutionnaire fait à l'époque naître de farouches oppositions, car le mécanisme à l'origine du déplacement des masses continentales n’était pas clairement identifié. Il faudra attendre les années 1960 pour que sa théorie soit en partie reconnue.

La tectonique moderne.
C’est en 1960, soit un demi-siècle plus tard, qu’Harry Hess identifie comme moteur de la dérive continentale des courants de matière présents dans l'asthénosphère, les cellules de convection, à l'origine d'une ouverture et d'une expansion des océans. A la fin des années 60, faisant la synthèse des données les plus récentes, trois jeunes géophysiciens, le français X. Le Pichon, l’américain J. Morgan et le britannique D. Mac Kenzie, élaborèrent ensemble le modèle global de la tectonique des plaques. Depuis, de nombreuses avancées scientifiques ont permis de préciser et de compléter le modèle initial.

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  • les dorsales océaniques situées dans l'axe central des océans sont des édifices volcaniques sous-marins où de la matière lithosphérique est fabriquée par rejet et solidification de magma et donne naissance à des morceaux de plancher océanique « neuf » de part et d'autre de la dorsale. Cette production engendre une lente expansion des océans et un éloignement des continents. Par exemple, Afrique et Amérique du Sud s'éloignent l'une de l'autre à une vitesse de 2 cm/an (c'est la vitesse de croissance de nos ongles) en raison de l'expansion de l'océan Atlantique au niveau de la dorsale médio-Atlantique.
  • Les zones de subduction correspondent à des régions où une plaque océanique plonge sous une autre plaque (océanique ou continentale), occasionnant un mouvement de fermeture des océans. Dans un contexte de volume de la Terre constant, les zones de subduction engloutissent du plancher océanique et compensent ainsi les zones où il est créé.
  • Lorsqu'un océan s'est entièrement refermé et qu'en conséquence deux plaques continentales se trouvent en affrontement, on parle de alors de collision, L'impact génère le soulèvement de chaînes de montagne. Zones de subduction et zones de collision constituent les limites de plaques convergentes à l’origine de la majorité des séismes.
  • Enfin, les failles transformantes qui présentent un mouvement latéral de type coulissage horizontal relient entre elles les autres limites de plaques.


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Comment fonctionne un sismomètre?

Un sismomètre (ou sismographe) est un instrument capable de détecter et d'enregistrer toutes vibrations du sol. Le premier sismographe capable d’enregistrer les séismes lointains fut inventé par un physicien allemand, Ernst von Rebeur-Paschwitz, en 1889 et deux de ses appareils installés en Allemagne enregistrèrent la même année, un important séisme survenu au Japon.

Les sismographes « ancienne génération » sont constitués d'une masse immobile qui va rester immobile pendant le séisme et d'un bâti posé sur le sol. Toute secousse est retranscrite sur un papier sous la forme d'un graphique : le sismogramme.

Aujourd'hui, les stations sismiques transmettant des signaux numériques ont remplacé les enregistrements « papier » et les flux de données sont accessibles en quasi temps réel par internet.

Lors d'un tremblement de terre, l'arrivée des ondes sismiques en surface engendre des vibrations du sol dans plusieurs directions. Pour enregistrer toutes les caractéristiques de la secousse, il existe trois types de sismomètres capables d'enregistrer simultanément les trois directions des mouvements du sol : le mouvement vertical et les deux mouvements horizontaux (selon la direction NS et selon la direction E-W).

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Voir le fonctionnement d'une station sismologique moderne

Le sismogramme est l'enregistrement graphique donné par le sismomètre. Le temps est représenté en abscisse (axe horizontal) et le déplacement (ou la vitesse de déplacement ou l'accélération) est représenté en ordonnée (axe vertical). L'étude des sismogrammes apporte de précieuses informations. Leur décryptage permet, par exemple, de connaître la vitesse de propagation des ondes, leur nature mais aussi de localiser l'épicentre ou encore d'étudier la structure du globe terrestre.

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Les ondes sismiques

Lors d'un séisme, le sol tremble en raison de l'arrivée en surface de vibrations appelées ondes sismiques. Quelques secondes avant cette arrivée, la rupture d'une faille en profondeur a libéré une importante charge d'énergie (quantifiée par la magnitude) et provoqué le déplacement brutal des roches encaissantes de quelques centimètres voire de plusieurs mètres pour les séismes de magnitude 8-9. Cet ébranlement se propage ensuite de proche en proche dans tout le volume de la Terre à une vitesse de quelques kilomètres par seconde.

Pour mieux comprendre le phénomène de propagation des ondes sismiques, il est possible de faire le parallèle avec les ondes produites par un jet de pierre qui perturbe la surface d'une eau calme et crée des vaguelettes qui rayonnent de loin en loin. L'impact du caillou modélise le choc de la rupture de la faille, les vagues représentent les ondes sismiques et le volume d'eau, les roches encaissantes. Si un bouchon est placé à la surface de l'eau, on observera alors son léger déplacement puis un retour rapide à sa position initiale, alors que le front de l’onde occupe des cercles concentriques de plus en plus grands. Les ondes sismiques adoptent un comportement similaire.

Un séisme produit des ondes de volume(ondes P et S) qui traversent l'intérieur de la Terre dans toutes les directions :
  • les ondes P ou primaires sont les plus rapides (vitesse=6 km par seconde près de la surface). Elles déplacent la matière en la comprimant et la dilatant comme un ressort que l'on serre et desserre entre ses doigts
  • les ondes S ou secondaires (9 km/s) déplacent la matière perpendiculairement au front de l'onde, un peu comme les ondulations latérales d'un serpent qui avance.


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Les ondes de volume atteignent la surface de la terre après quelques secondes de propagation. Comme il leur est impossible de franchir la surface terrestre pour se propager dans l'air, elles ralentissent, tournent, puis continuent leur propagation en longeant la surface de la terre : elles deviennent des ondes de surface (ondes L pour Love et R pour Rayleigh). Les ondes dites de surface se propagent moins vite que les ondes de volume mais leur amplitude est plus grande.

Les témoins ayant vécu un tremblement de terre mentionnent souvent avoir été secoués dans plusieurs sens : un mouvement de haut en bas et un mouvement latéral.

Des caméras de surveillance ayant filmé des bureaux pendant le séisme du Vanuatu du 10 août 2010 (M=7.5) permettent de bien visualiser le passage successif des différents trains d'ondes.

Voir la vidéo sur youtube